Sidebar Ads

La Dot en pays Kroumen



Cérémonie de dot kroumen et ses éléments

Les Kroumen font parti du grand groupe ethnique des Krou de Cote d’Ivoire. Installés au sud ouest du pays, ils occupent l’entité territoriale appelée aujourd’hui région de San-Pedro. Si autrefois, le terme Krou renvoyait à une catégorie socioprofessionnelle, les Kroumen forment de nos jours une entité ethnique avec ses valeurs, ses coutumes et ses institutions propres. Au nombre de celles-ci, figure le mariage dont la dot, qui fait l’objet de notre étude, constitue l’élément essentiel voir même incontournable. En effet, dans toutes les sociétés archaïques du monde, le mariage offre aux deux sexes la seule ouverture sur la qualification civique. Chez les Kroumen, l’union matrimoniale équivaut à un rite de passage permettant aux célibataires d’abandonner un statut social inférieur (et même dégradant à partir de la maturité physique) et d’accéder à une existence plénière en tant que productifs de la communauté, père d’enfants autant que possible nombreux. C’est aussi un passage qui conduit aux honneurs, à la puissance de droits et de libertés, compensées équitablement par certaines servitudes à l’égard de la cellule familiale d’abord, et ensuite à l’égard de la grande famille encore appelée « tougba » (groupement de grandes familles). La question essentielle à laquelle nous tenterons d’apporter des éléments de réponse est : comment arrive-t-on à l’étape de la dot et quels sont les éléments qui la composent ?

Dans l’ancien droit coutumier Kroumen, le jeune homme en âge de se marier n’avait pas à chercher lui-même sa première épouse. Cette tache incombait à son père dont la volonté semblait toute puissante. Une fois la future épouse choisie, le père du jeune homme entamait la procédure auprès de ses futurs beaux parents. Ainsi, sous sa forme traditionnelle, l’institution du mariage Kroumen se déroulait d’habitude en une longue succession de cérémonies qui, à travers l’individu engagent matériellement les deux groupements familiaux « tougba » intéressés. En effet, selon leur signification sociologique et leur ordre chronologique la procédure comprend quatre phases distinctes:
  •  Les formalités d’engagement ou fiançailles coutumières « tamabo »,
  •  La confirmation de l’engagement « niémabo »,
  •  Le premier versement de la compensation matrimoniale « dotéplè »,
  • L’acquittement intégral de la compensation matrimoniale « boulo » suivi du mariage.
Durant tout le processus, la future mariée demeurait officiellement chez ses parents. Elle ne regagnait définitivement son foyer qu’après la dernière phase.

Toutefois, la société kroumen se montre à la fois souple et fragile face aux tendances acculturatives véhiculées par les courants du modernisme. La coutume a donc connu de nombreuses modifications surtout dues aux changements de cadres économiques. Elle n’a jamais été fixée d’une façon invariable, mais au contraire, subit partout des adaptations constantes dues aux circonstances. Ainsi, de nos jours, la volonté du père influence moins le choix de la future épouse de son fils. Le jeune homme fait son choix en fonction de ses gouts et de ses préférences, très souvent à l’insu de ses parents. Et généralement, les conjoints mènent plusieurs années de vie conjugales bien avant d’entamer les démarches coutumières visant à légitimer leur union.

De ce fait, les deux premières phases du processus énoncées plus haut deviennent forcloses. Ici, et c’est d’ailleurs ce qui nous parait le plus fréquent, on se contente directement de payer la dot, appelée « taman » (par la frange des Kroumen du département de Tabou). Certains vont jusqu’à l’assimiler au mariage coutumier Kroumen. Or la dot, bien qu’elle soit le maillon essentiel du processus du mariage coutumier Kroumen, n’en constitue pas la finalisation.

La dot en effet constitue des biens donnés par le fiancé à la famille de la fiancée pour obtenir celle-ci en mariage (compensation matrimoniale). Le « taman » est la phase qui met en présence le « tougba » de la jeune et celui de l’homme. Et, par l’entremise d’un intermédiaire extérieur aux deux « tougba », des dons de grandes valeurs sont offert au « tougba » de la femme par la famille de l’homme. Il s’agit:
  • D’un verre blanc et une assiette cassable sans motif que le « tougba » de la femme confie à l’un de ses membres,
  •  Du tabac, d’une chèvre et la symbolique somme de 125 f dévolue à la mère de la fiancée,
  •  De la viande (3 paniers), un panier d’asperge, de la graine de palme (3 paniers) distribués dans le village de la femme,
  •  Un pagne Kita et d’autres complets de pagnes,
  •  Une grande quantité de boisson alcoolisée (gin et liqueur) ainsi que du bandji destinée au « tougba » de la fiancée.

Compte tenue de la rareté de certains objets, l’on donne de l’argent à la hauteur de ceux-ci en compensation.

Ces objets constituent en somme le minimum prescrit et réclamé par l’usage et ils sont destinés à reconfirmer publiquement le contrat de mariage. Il faut aussi préciser que compte tenue de la rareté de certains objets, l’on donne de l’argent à la hauteur de ceux-ci en compensation. Certes, la fiancée ne reçoit rien de tout ça mais elle ne doit pour autant pas être négligée pendant cette phase et ne doit non plus pas être enceinte.

Par ailleurs, il convient de noter que cet aperçu que nous venons de brosser n’est pas exhaustif. Autrement dit, l’aire culturelle Kroumen est un ensemble très complexe d’environ une trentaine de tribus ; à cet effet, la coutume varie légèrement pour le montant de la dot à verser suivant les tribus. Après l’acceptation des cadeaux de la dot par les parents de la fille, l’engagement ne peut être rompu aux yeux des lois coutumières sauf cas de force majeure. Cette phase ouvre la voix au mariage.

En somme, nous retenons que la dot est une phase essentielle du processus de mariage coutumier Kroumen. Caractérisé par des dons à caractères symboliques, la dot confirme les fiançailles et permet d’aboutir au mariage.

Par ailleurs, il serait malhonnête et prétentieux de notre part d’affirmer que cet inventaire que nous avons dressé est exhaustif. De nombreuses variations peuvent être observées selon que l’on se trouve dans tel ou tel département de la région de San-Pedro ou dans telle ou telle tribu. Cette ébauche mérite donc d’être approfondie afin de pérenniser et valoriser la culture et la tradition Kroumen. Nous restons ouverts à vos observations et suggestions.